lundi 25 mars 2019

mon histoire


A mon amie Françoise,
 

Amie d’enfance,amie de coeur
Souvenirs de tant de douceurs
De tant de secrets partagés,
De rires à gorge déployée.
Amie d’enfance,moments sacrés 
 
De délires à savourer,
Instants de joie et de partage
Avec quelquefois des orages
Mais qui jamais ne durent longtemps
Et s’envolent avec le vent.
 
Même si les années les séparent
Il y’aura toujours quelque part
Gravé tout au fond de leur être
Ce qui ne peut pas disparaître
Cette merveilleuse complicité,
Ce joli lien qu’elles ont tissé. 
 
                                                                     la poésie de Flore
 
 
Cet été 2010 a été décisif, Françoise m’a dit quand je lis tes emails, des notes s’échappent et laissent passer une étrange musique,  tu devrais écrire.
J’espère que je ne la décevrais pas.
Je dédicace également ce recueil de souvenirs à tous mes fidèles amis, sans oublier ceux qui sont malheureusement partis. Je pense à ma maman qui nous a quittés le 14 mai 2009. Aujourd’hui ça serait son anniversaire (29 Novembre 2010) aussi je m’adresse à elle.
 
Salut Maman.....
Alors qu'est que tu crois ... que je pouvais oublier tes 76 ans ....
tsss... une fille n'oublie jamais sa maman ....
Même si celle-ci est déjà partie pour une autre vie ... elle n'oublie jamais....
Ben … ça fait déjà un an que tu nous as lâchés la main… et que tu te débrouilles très bien dans la galaxie des étoiles…
là bas pas besoin de GPS…. On doit paraître si petits vu de là haut…
Enfin je pense que tu es heureuse… c’est tout ce que je te souhaite du plus profond de mon cœur,
Chère maman…
J’apprends à vivre sans toi… c’est tous les jours un travail sur soi… ce n’est pas encore la norme…
En fait on constate juste tous les jours … qu’on doit travailler là-dessus…
Et … que ben fatalement ça va durer  jusqu’à notre propre départ…
Quand bien même ce travail et difficile et parfois douloureux… suis pas très pressée qu’il s’arrête…
J’ai encore des choses à faire ici et nous devrons patienter toutes les deux pour nos retrouvailles…
Aujourd’hui je voulais juste te souhaiter un très heureux anniversaire,
Te dire que je t’aime, que tu es toujours dans mes pensées, que je t’embrasse très fort…
Déploie tes ailes et … vole mon Ange !!!!
Avec tout mon Amour même si je ne te l’ai pas dit assez souvent.
Ta fille Christiane




  
Ainsi qu’à ma famille, mon mari et mes enfants. 
 

 
 

 

Tout commence par cette belle journée au mois d'avril 1955, à 13 Heures, le jour de Pâques où je suis arrivée, non pas sans mal puisque cette naissance n’aurait pas du avoir lieu. Je n’étais pas voulue, j’étais un accident. En effet, à cette époque beaucoup de femmes qui avaient « aimé » pour la première fois, se retrouvaient enceintes faute de moyens contraceptifs et pour elles c’était le déshonneur. On  obligea donc ma mère à se marier. Le mariage eu lieu au mois de décembre 1954, quatre mois avant que je ne vienne au monde. La mariée était vêtue de noir. Surtout pas de blanc qui était la couleur de la virginité. 

 
Heureusement que tout ça a bien changé maintenant, autrement, il n’y aurait pas foule devant monsieur le curé. Ma naissance n’a pas été sans mal pour ma mère, je devais naître le jeudi saint et je suis arrivée le dimanche. Comme c’était la semaine sainte, les religieuses étaient à leurs prières et il ne fallait pas compter sur les bonnes sœurs pour aider ma mère à me mettre au monde. La pauvre, elles l’ont laissée toute seule et moi sortie jusqu’à la ceinture, pendant 4 jours. Mon père était en déplacement en Belgique et n’avait pas pu assister à l’accouchement. Quand le médecin est arrivé le dimanche matin, il n’avait même pas été prévenu. Les religieuses on été réprimandées. « Vous allez avoir deux morts sur la conscience »a-t-il répondu. Ma mère ne pouvait plus crier et moi j’étais cyanosée jusqu’à la ceinture. Je ne respirai plus. Ce n’est qu’après plusieurs heures en me faisant la respiration artificielle que j’ai poussé mon premier cri, j’étais sortie d’affaire, il était 13 heures.

 
J’étais un beau bébé de 4 kg 500 et je m’appelais Christiane. 15 Août 1955



2 Octobre 1955




Mes parents habitaient en Belgique à Liège en 1955

Carte écrite par Denise à son père.

Liège
Mon papa Jean
Ma maman Denise octobre 1955


Ma grand-mère maternelle Marthe St Pons (81) le jour de mon baptême





Mon parrain André (frère de ma mère) et ma marraine Gisèle (une amie à ma mère que je n’ai jamais connu).

Mon grand père maternel Gaston et sa mère Julie

Mes parents habitaient en Belgique, à Liège.
Suite à un télégramme, ma mère avait dû revenir précipitamment, en France, à Saint Antonin, au chevet de son père Gaston qui se mourrait car il avait la tuberculose. (Le vaccin n’existait pas encore). Dans le train, qui l’amenait dans le midi, ma mère perdit les eaux et dû être amenée à la maternité de Mazamet.

Gaston Cabanes

Mes parents étaient jeunes. Ma mère avait 20 ans et mon père 24 ans.

Cabanes Denise 1953

Clarac Jean 1953

Ils n’étaient pas très argentés. Mon père travaillait à lumière et force, en Belgique.
Là-bas, les bébés sont surveillés de prêt. Comme ma mère ne m’avait pas amenée à la consultation des nourrissons, une assistance sociale était venue la trouver pour demander des explications. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant la misère dans laquelle ils se trouvaient ! Le lendemain, elle revenait avec du lait, des affaires de rechanges pour moi et surtout un petit lit. Oui, je dormais sur des chaises. Mes parents m’avaient fait ce lit de fortune avec deux chaises entourées de larges bandes pour que je ne tombe pas, un petit matelas et quelques couvertures. Mes parents n’avaient rien, aucun meuble. Ils s’étaient confectionnés avec des caisses, une table et des chaises. Ils étaient heureux comme ça. Les belges sont des gens très gentils et ils leurs ont donné quelques meubles. On expliqua à ma mère qu’elle devait se présenter aux consultations pour les nourrissons, toutes les semaines. Chose curieuse, en Belgique on tutoie les grandes personnes et on vouvoie les enfants.
Un an plus tard à Caussade en 1956 ma mère eut un garçon Patrick .Mes parents étaient revenus en France et un an après à Amiens, ils eurent une fille, Aline. Tout au début, je n’appréciais pas ces deux nouveaux venus qui me volaient ma place. Il faut dire que j’étais une fille très jalouse et qui voulait l’exclusivité. Comme mon père était souvent en déplacement, mes parents déménageaient beaucoup. J’étais une enfant pleine de vie. Je voulais toujours prendre la poudre d’escampette. Je donnais beaucoup de mal à mes parents qui étaient obligés de m’attacher avec une laisse.
Laissez-moi vous raconter pourquoi.
En 1957, mes parents habitaient à Amiens dans un petit immeuble. Ma mère avait beaucoup de mal avec nous trois. Un jour, elle me laissa jouer dans la cour intérieure pendant qu’elle s’occupait de mon frère et de ma soeur, qui étaient encore bébés. Le problème, c’est que ce jour là, les peintres avaient enlevé le portail pour le repeindre et ni une ni deux, en voyant que la voie était libre, je voulus explorer les environs. Oh, je n’étais pas allée bien loin. Je m’amusais seulement à traverser la rue, d’un côté et de l’autre. Une dame, qui passait par là, me voyant, me demanda où j’habitais. Je fis mine de ne pas savoir. J’étais dans mon jeu et rien d’autre n’avait d’importance. Elle me conduisit donc au commissariat du quartier.
Pendant ce temps, ma mère descendit m’amener mon goûter. Elle m’appela plusieurs fois, sans réponse. Elle vit des gens quelle connaissait et avec qui j’avais l’habitude de m’amuser à cache-cache et leur demanda s’ils ne m’avaient pas vu. Non, personne n’avait vu Christiane,
alors elle posa le goûter en leur demandant de me le remettre dès que j’aurai fini de jouer et elle repartit s’occuper de mon frère et de ma soeur. Un peu plus tard, voyant que mon quatre heures était toujours à la même place, elle s’inquiéta et s’aperçut qu’il n’y avait plus de fermeture.
Pendant que les voisins gardaient mon frère et ma soeur, mes parents sillonnèrent les rues d’Amiens afin de me retrouver. Personne ne m’avait vu. Mes parents s’inquiétaient car il y avait à cette époque pas mal de rapts d’enfants. Ce n’est qu’après plusieurs heures, qu’on leur fit comprendre qu’il y avait deux commissariats et que ce n’était pas au commissariat central mais celui de quartier qu’il fallait aller. En effet, j’y étais, après un coup de téléphone, on leur dit, qu’il y avait une petite fille qui se prénommait kikinou, surnom que mes parents m’avaient donné. Quand, mes parents sont arrivés, j’étais assise sur les genoux du policier et je mangeais des friandises. Sur la gourmette que j’avais eue à mon baptême, il y avait gravé mon prénom et ma date de naissance.
Pour vous montrer à quel point j’avais le diable dans la peau, ma mère, à l’approche des fêtes de Noël eut envie de manger des huîtres. Sur le bord d’un trottoir, il y avait un marchand de poissons et il n’y avait que la rue à traverser pour y arriver. Mon frère était dans le landau et moi, je tenais la main de ma mère. Elle me lâcha pour payer le poissonnier et je ne sais pas quelle mouche m’a piquée, j’ai traversé en courant comme une folle, sans faire attention à la circulation. Dans la rue, un camion fit un bruit d’enfer en pilant pour m’éviter. J’étais entre les roues du poids lourd. Le choc fut trop lourd à supporter pour ma mère et elle s’évanouit. Les quand dira-on, allait bon train. Ma mère était une mauvaise mère puisqu’elle ne m’avait même pas surveillée. Heureusement, le poissonnier qui avait vu la scène put démontrer le contraire.
Ma soeur est arrivée à la suite de cet incident plus rapidement que prévu.


Amiens avec ma maman 1957

Amiens avec mon papa 1957




Rouen le 19 06 1957



Année 1958

Mes parents ont de nouveau déménagé mais nous ne sommes restés que quelques mois, à Montauban, dans le quartier de Villenouvelle car la maison était trop petite. C’est à Falguières près de Montauban qu’ils trouvèrent une maison plus spacieuse mais les pièces étaient vides car ils n’y avaient toujours pas beaucoup de meubles. De cet endroit, je me souviens seulement que de l’extérieur et des deux grands chênes qui se trouvaient en bordure de la route. Il y avait un grand escalier et dessous, des arcades. Je n’ai jamais prêté attention au décor intérieur. Ce qui m’importait c’était d’être au dehors en plein air.


 
Falguières le 8/08/1958 Je suis avec ma cousine Martine LUC


Ma mère m’a souvent parlé d’un poêle à charbons qui était dans cette maison et elle en était fière. Elle disait qu’il avalait tout même le bois vert. C’était leur unique moyen de chauffage. Je sais quelle a beaucoup galéré. En plein hiver, dans le froid glacial, elle partait à pied avec un gros chargement de bois humide.

Mon frère Patrick, voulait toujours me suivre mais je voulais voler de mes propres ailes aussi je ne faisais pas attention à lui. Le pauvre, je lui ai souvent donné du mal. Il était très « pataule » (lourdaud) disaient mes parents. Il grimpait aux arbres et pleurait car il ne pouvait plus 
 redescendre.
Avec mon frère Patrick et Topi le chien
Un après midi, je crus voir mon père derrière la maison. Il y avait des champs à perte de vue et de nouveau, j’eus envie d’explorer les alentours. Il me tournait le dos aussi je ne pouvais pas voir son visage. Je l’appelais Papa ! Papa ! mais en vain. Il continuait toujours à marcher sans se retourner. J’ai erré très longtemps derrière lui. Puis, j’ai abandonné ne reconnaissant plus l’endroit familier. En m’apercevant que je m’étais trompée de personne, je me suis mise à pleurer. Mes parents m’ont retrouvé bien longtemps après. Heureusement car là où j’allais, il y avait des puits à ras de terre et des marais.
Ma mère, était standardiste et pour se rendre à la poste de Montauban, elle partait au matin de très bonne heure souvent dans le froid, en mobylette. Elle a connu des hivers rigoureux mais jamais, elle ne s’est plainte. Pourtant, la vie n’était pas facile pour elle. Elle n’arrêtait pas une minute. Aussitôt rentrer de son travail, elle s’occupait de nous, il n’y avait pas de machine à laver et elle lavait le linge à la main. Avec nous trois tous petits, nous lui donnions beaucoup de travail. Elle s’occupait d’un jardin et elle avait en plus un cochon. Je me doute que les journées devaient passer très vite pour elle et sûrement qu’elle devait dormir comme un bébé après une journée aussi bien remplie.
Heureusement, ma mère a été mutée en 1959 à Saint Antonin dans le Tarn et Garonne et là pour elle, la vie est devenue plus simple. Elle n’avait que 500 mètres à faire pour se rendre à son travail. Elle travaillait comme standardiste à la poste qui se trouvait à la place de la mairie. Quand à mon père, il travaillait à l’électricité de France, tout à côté de notre maison : la maison carré. 



J’avais une amie Annie LINON et j’allais souvent chez elle. Je descendais la ruelle et deux maisons plus bas, à l’angle d’une rue, j’y étais. Nous faisions des parties de cache-cache chez elle et son père jouait avec nous au loup garou. On adorait qu’un adulte se joigne à nous. Nous aimions avoir peur dans le noir. Aline venait souvent avec moi et comme elle était plus petite, elle se cachait dans les armoires. Combien de parties nous avons faites dans cette maison. Nous faisions souvent de la peinture et nous créons nos propres encres en écrasant des graines de sureau noir. J’ai gardé de très bons souvenirs de cette famille LINON.

J’allais à l’école tout à côté de la maison. Mais je n’aimais pas l’école. Je me souviens de ces barres que je devais faire sur un cahier à ligne avec un porte-plume. C’était toujours la même chose. Un jour, je me suis rebellée et j’ai répondu à la maîtresse que j’en avais marre de faire des barres et quelle n’avait qu’à les faire, elle. Je suis sûre que j’ai eu les félicitations du jury. Par contre, à la récréation je m’amusais avec Bob et Quinette. On entassait des feuilles de marronnier au milieu de la cour et on se cachait dessous en attendant que les autres se planquent. On devait compter jusqu’à 20 avant de sortir du tas de feuilles. L’odeur des feuilles mortes, je n’oublierai jamais. D’ailleurs, je faisais exprès qu’on me trouve afin de revenir au milieu de la cour.



1960 école maternelle CLARAC Christiane en bas 3ème à gauche

Mais le sort, nous a éloigné tous les trois.




St Antonin février 1961



 

 
Malheureusement, quelques mois plus tard, ma mère a eu la tuberculose et a du partir se faire soigner dans les Pyrénées à Font Romeu (Le Nadalou). 

Font Romeu 1960

Nous fûmes séparés. J’avais alors 6 ans. J’étais une fille rachitique, qui n’avait pas beaucoup d’appétit et qui faisait de l’anorexie. Je ne pesais que 18 kg pour une taille de 119 cm. Ma grand-mère maternelle pensa que l’air de la campagne me ferait le plus grand bien et j’ai donc quitté le Tarn et Garonne. Je suis donc partie habiter dans le lot, près de Souillac. Ma grand-mère, Marthe, s’était remariée 3 ans après le décès de Gaston avec Jean DELMAS.  Il nous conduisait en camion dans un petit hameau « la sotte » près de Gignac. Les routes étaient tortueuses et il fallut plusieurs fois s’arrêter, mon petit estomac ne supportait pas le voyage.  J’allais habiter dans une grande ferme au toit en ardoises, c’est le meilleur souvenir de mon enfance. Ma grand-mère Marthe ne pouvait pas nous garder tous les trois, aussi mon frère et ma sœur logeaient chez une nourrice qui les gardait jour et nuit. Ils ont eu beaucoup moins de chance que moi mais à cette époque je pensais tout le contraire. On ne nous disait rien, je croyais que mes parents voulaient m’éloigner d’eux. J’avais l’impression d’être rejetée, je piquais souvent des colères en me roulant par terre quand ma mère devait prendre le train à la gare de Souillac pour repartir en cure.
Je me rappellerai toujours de ma première nuit dans cette grande ferme. La chambre où je dormais sentait la naphtaline et n’était pas du tout adaptée à un enfant de mon âge. Il y avait un grand lit ancien où l’on pouvait voir au-dessus une croix et de vieux meubles. Cette pièce était impersonnelle et la première nuit, je ne me sentais pas rassurée. J’entendais le bois craquer et au-dessus, des rats qui couraient dans le grenier. Je n’osais ouvrir les yeux de peur de rencontrer des êtres effrayants, j'avais vraiment du mal à m’endormir, aussi, les autres nuits ma grand-mère me rejoignait. Je me sentais bien avec elle, je me nichais près d’elle et j’avais l’impression que plus rien ne pouvait nous arriver, je me sentais protégée.

 Le lendemain, je découvris le domaine. Le voyage m’avait beaucoup fatiguée la veille et je n’avais pas prêté attention à ce nouveau lieu. Oui, c’était immense. Sous l’habitation se trouvait la cave à vin où d’immenses tonneaux trônaient dans la pièce. J’adorai sentir l’odeur du vin tiré, mêlé d’humidité, mon grand-père faisait lui-même son vin. Devant la maison, il y avait une petite cour où des poules, des coqs et des canards étaient en liberté. De l’autre côté,  il y avait un petit chemin qui séparait l’habitation du corps de ferme et en face il y avait le garage, où se trouvait le camion qui nous avait amené ici,  la grande citerne d’eau où l’on récupérait les eaux de pluie, le poulailler où se trouvait au milieu un grand cerisier, l’étable des vaches, la bergerie, la porcherie et le grand hangar où l’on mettait le foin pour l’hiver.  Je me suis vite familiarisée avec ce décor. Je me sentais libre d’aller où je voulais sans aucune contrainte. C’était une aventure nouvelle et passionnante pour moi, mais je n’avais vu qu’une infime partie de la propriété. Mon grand-père possédait plusieurs hectares de terre et de bois, il avait des champs de maïs, de blés, de pommes de terre mais également des prés  pour faire brouter les moutons et les vaches. Ma grand-mère se levait tôt pour la traite des vaches et partait conduire le troupeau dans les pâturages. Elle m’expliquait où je devais la retrouver, c’était simple, je n’avais qu’à suivre le petit chemin bordé de cailloux. C’était ce que j’avais toujours voulu, être indépendante. A mon réveil, je m’habillais très vite excitée d’aller découvrir des terres inconnues, j'étais heureuse de prendre ce petit sentier si tranquille, l’air était pur et sentait les odeurs du feuillage et de la terre. Le petit chemin était bordé de noisetiers et de chèvrefeuille, je m’ennivrai de ces senteurs tout en marchant, je m’en imprégnais. Il me semblait, que bravant les rayons du soleil, cachée à tous les regards, séparé du reste du monde, j’étais abandonné à moi-même comme un naufragé dans son ile. Un peu plus loin ma grand-mère était assise sur l’herbe et guettait mon arrivée. Après avoir remis mes habits à l’endroit, je découvrais la nature environnante. Tout était paisible, seul le chant des oiseaux, les vaches qui broutaient l’herbe et le vent dans le feuillage venait troubler cette sérénité. Je restais près d’elle et ensuite on rentrait à la maison pour le petit déjeuner. Le lait était tiré au pis de la vache et après l’avoir fait bouillir, elle m’en remplissait un grand bol. Puis elle me préparait de grosses tartines en les piquants avec une fourchette et les faisait griller en les posant dans la cheminée près des braises. L’odeur emplissait la cuisine et ça me mettait en appétit. Ma grand-mère était intransigeante il fallait tout finir et pour moi c’était très dur. Elle me gavait et quand je sortais de table, j’avais un estomac qui me faisait mal. Il avait fallu avaler les deux tartines autrement je ne pouvais aller jouer. J’étais une fille qui n’était pas exigeante, je m’inventais des milliers de jeux avec des choses simples. 



Avec des boites d’allumettes, je confectionnais des lits pour mes poupées. Je les avais toutes alignées le long du mur dans la cuisine. Avec la barbe des maïs, je faisais des perruques. J’avais quelques crayons et je dessinais, j’adorais écrire la lettre o et j’en faisais des pages complètes, j’aimais également chanter. A côté de notre ferme, il y avait une autre habitation et j’allais souvent voir ma copine Nicole LAVAL, elle avait deux ans de plus. Nous partagions les mêmes passions, dans les champs, assises dans l’herbe nous chantions et on en éprouvait une grande joie. Nous cherchions toujours une hauteur pour que notre voix porte au loin, on était insouciantes. J’admirais sa grand-mère qui faisait du crochet. Sur chaque fenêtre, il y avait un rideau avec des motifs quelle avait réalisé et je regrettais d’être trop petite pour qu’elle ne m’apprenne. Les rares personnes, à part cette famille, que j’ai pu rencontrer, étaient le facteur qui amenait le courrier en voiture et le boulanger qui venait une fois par semaine nous livrer le pain. 
 

 

 
Ma grand-mère achetait de grandes miches de pain de campagne quelle enveloppait dans des torchons humides. J’ai toujours aimé le pain que je préférais au gâteaux. Je m’amusais souvent avec, en me disant que la partie plus foncée n’avait pas le même goût que la partie claire. Quand c’était l’heure du goûter, ma grand-mère me préparait de grandes tartines avec de la confiture de fraises et j’en avais une sainte horreur. Pourquoi ? Parce que la sienne, il y avait des morceaux entiers de fraises. A ce sujet, ça me rappelle une histoire, mes parents étaient venus en compagnie de mon frère Patrick et de ma sœur Aline. J’étais heureuse de leur visite. Dans cette ferme, c’était tellement rare de voir du monde, que ça ne passait pas inaperçu. Donc pour en revenir à cette fameuse tartine à la confiture que j’avais en horreur,  ma grand-mère n’avait pas lésiné d’étaler sur les grandes tartines, cette confiture avec des morceaux quelle nous avait remise à chacun. En voyant le résultat, aucun de nous n’avait été emballé. Je leur ai donc suggéré pour abréger notre calvaire, de les jeter dans une buse en béton pas très loin de la ferme. Ce n’était pas la première qui avait été engloutie dans l’énorme tuyau. D’ailleurs, au dessus, il y avait pleins d’abeilles et de guêpes qui tournoyaient. Le problème, c’est que nous avions poussé le vice à en vouloir une autre trop rapidement. Cela a éveillé les soupçons de ma grand-mère qui nous a suivis et en voyant le résultat, nous avons eu droit chacun à une bonne fessée. Il est vrai que ça nous a calmés mais plus jamais je n’ai eu de tartines à la confiture de fraises, pour moi, c’était gagné.
Derrière le hangar, se trouvait un cimetière d’anciennes voitures qui aurait fait rêver beaucoup de  collectionneurs mais elles pourrissaient là sur place. Avec mon frère Patrick et ma sœur Aline,  nous nous inventions des histoires et nous leurs redonnions vie. Nous étions au volant de tractions avant et bien que ce ne soit que des épaves, nous parcourions des paysages imaginaires. Oui, il n’y avait pas d’ordinateurs à notre époque, mais nous faisions déjà des simulations virtuelles de conduite. Notre voyage était forcément le plus beau puisqu’il nous faisait rêver et que les destinations nous étaient inconnues. 







Je ne pourrais dire combien de temps j’ai vécu dans cette ferme mais à mon avis cela devait correspondre à une année. Ce qui me fait penser à cela, c’est les différentes saisons que j’ai connu. 



Un grand cerisier trônait  au milieu du poulailler et les branches croulaient littéralement sous les fruits rouges. Vu ma petite taille, je n’avais aucun mal pour cueillir ces cerises, que je dévorais sur place, elles étaient parfumées et pour moi c’était mieux qu’un bonbon. 
 
 

Les petites pêches que je ramassais le long du hangar et qui étaient juteuses, les moissons avec les voisins, le ramassage du maïs et les vendanges, oui, j’ai connu toutes les saisons dans cette ferme. Je me rappelle d’une poupée en cire que  ma mère m’avait offerte pour Noël, je l’adorais et elle ne me quittait jamais. Ce cadeau a beaucoup compté pour moi, mais son existence fut de courte durée. Il devait être aux alentours de midi quand ma grand-mère Marthe m’appela pour manger. Je me trouvais à ce moment-là dans la soue à cochons, mes compagnons de jeu. J’ai donc demandé à l’un deux de me garder ma poupée pendant le déjeuner et l’avais mise en toute innocence dans la mangeoire, ce jour-là, le repas avait été vite expédié pour reprendre mon jeu, malheureusement, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ma poupée était en mille morceaux. Je m’en voulais d’avoir fait confiance à ces cochons, je ne l’avais gardé que quelques mois. Quand je dis que les cochons étaient mes compagnons de jeu, laissez-moi vous raconter pourquoi. Un beau jour, mes grands-parents avaient sorti un énorme cochon tout blanc, gras comme un moine, devant la maison et de suite, je me suis pris d’amitié pour lui, allez savoir pourquoi. Il n’était pourtant pas apprivoisé mais dès qu’on l’appelait, il venait vers nous. Certainement pour chercher à manger, mon grand-père Jean, avait eu l’idée de me mettre sur son dos et le cochon n’avait pas riposté. Je pense que vu mon poids, ça ne devait pas beaucoup le déranger. Nous avions fait ensemble le tour de la ferme et mes grands-parents riaient aux éclats, tout en ne me quittant pas du regard. Nous avions conquis notre public, ce qui a permis à ce cochon d’avoir un sursis. Je me suis souvent amusé avec lui. J’étais heureuse d’apporter du bonheur à mes grands-parents car dans cette ferme, on ne montrait pas beaucoup ses sentiments et ces moments-là étaient très forts pour moi.
Un jour, je ne sais pas ce qui m’a pris, alors que j’étais toute seule et que chacun vaquait à ses occupations, j’ai libéré mon ami le cochon. Il était retenu prisonnier et il devait s’ennuyer puisqu’il était tout seul, alors je lui ai ouvert la porte. Le cochon se voyant libre, se mit à courir en direction du maïs, mon grand-père Jean dût chercher un voisin pour l’attraper, et cela a demandé beaucoup de temps avant qu’il ne regagne ses appartements. Il avait détruit tout le champ de maïs en un rien de temps, mes grands-parents étaient furieux contre moi et la correction, je l’avais bien mérité. Pourtant,  je ne pensais pas avoir tous les torts, ils n’avaient pas compris mon geste.



Eglise de Gignac

Avec ma grand-mère, tous les dimanches, nous allions à la messe. Elle sortait de l’armoire, ma robe blanche et mes chaussures blanches cirées et j’étais très fière de porter ces habits malgré l’odeur de naphtaline. Comme nous étions dans un petit village, le curé se déplaçait beaucoup pour célébrer la messe et nous devions prendre le vélo pour nous rendre dans les hameaux voisins. On entendait au loin, les cloches qui sonnaient pour appeler les fidèles. Sur la place il y avait toujours un marché, mon grand-père Jean vendait de la volaille et des produits de la ferme. A la fin de la messe, ma grand-mère Marthe m’achetait toujours un jouet. Les gens étaient sur leur 31 et discutaient de choses et d’autres devant l’église. A leurs tenues, on pouvait dire de quel rang social ils étaient issus mais malgré ces différences, je n’y prêtais guère d’attention. A l’intérieur de l’église, le curé en soutane blanche, invitait les gens à prendre place. On entendait seulement le bruit des chaises racler sur le sol et qui résonnait dans la chapelle. L’odeur de l’encens, les bougies La lumière tamisée créaient une atmosphère magique. L’invisible et le visible ne faisaient plus qu’un. Oui, j’étais envoutée. Les hommes étaient à gauche, les femmes à droite et devant se trouvaient les chœurs qui tenaient leurs missels comme une précieuse relique, le silence était solennel. Seulement quelques toussotements venaient troubler ce calme. La messe était en latin, je ne comprenais pas un seul mot mais cette langue étrangère me berçait ainsi que les chants. Les cantiques religieux me faisaient vibrer et avaient une emprise sur moi, ces chants mettaient tous mes sens à fleurs de peau. 




Les différentes églises, ma mère que l’on devait raccompagner sur le quai de la gare où je me roulais parterre de rage de colère lorsqu'elle repartait en cure ainsi que les rappels de mes vaccinations, étaient pour moi mes seules grandes sorties. 




Sur les chemins qui menaient à Souillac, ma grand-mère Marthe m’amenait à vélo au dispensaire. La douce chaleur du soleil qui était présente et qui venait caresser ma peau me procurait un moment de bien-être. Je me laissais portais à vélo et je profitais au mieux du paysage, nous nous arrêtions souvent et l’on marchait l’une à côté de l’autre sans prononcer un mot. Pas de voitures, pour nous déranger, nous avions tout le temps d’admirer la campagne environnante. Je m’amusais avec un rien, la flaque d’eau que j’avais aperçue au loin sur la route et qui disparaissait dès qu’on avançait, les rayons du soleil qui venaient zébrer le feuillage et qui lui donnait de belles couleurs chatoyantes ainsi que la légère brise qui faisait danser chaque feuille, j’étais émerveillée. Mon attention était sans arrêt en éveil, rien n'est plus exquis que de trouver le long de la route des fraises des bois chauffées par les rayons du soleil. Leur goût délicat m’émoustillait les papilles et je ne me lassais pas d’en manger. Celles qui avaient croisées mon chemin n’étaient pas épargnées. Oui, j’aurais bien arrêté le temps pour pouvoir m’imprégner de ces petits moments de plaisir, je partais donc insouciante voir la dame de pique au dispensaire de Souillac. Cette année avec mes grands-parents est très vite passée mais que de bons souvenirs j’en ai gardé. 
 
 
Ma mère avait fini sa cure et moi j’étais en âge d’aller à l’école, d’ailleurs, j’avais déjà un an de retard.


Année 1961

Je suis donc repartie en 1961 à Montauban dans le Tarn et Garonne. Mes parents avaient trouvé un appartement à Montauban à Villebourbon prêt de la gare, dans un immeuble des H.L.M. Nous étions au premier étage. Il y avait 3 chambres, une cuisine, une salle à manger avec un balcon, une salle de bain et des toilettes qui étaient séparés par un couloir.
La vie me semblait bien triste à côté de celle que j’avais menée à la campagne. Pas d’espace vert, juste un champ derrière l’immeuble où se trouvaient quelques rares arbres dans lesquels je m’amusais à grimper. Il y avait 4 cages d’escaliers toutes reliées entre elles et nous nous amusions dans les sous-sols avec mon frère et ma sœur ainsi que les voisins de notre âge  à passer d’une cage à l’autre. Il y avait Richard LOUBRADOU qui habitait au 4 étage,  Armand MAGNIER lui au 3ème  étage. C’étaient avec eux que je m’amusais le plus. Ils habitaient la même cage d’escalier que nous. Avec Patrick, nous allions chez eux le jeudi quand nous n’avions pas classe ou vice versa. J’aimais beaucoup la présence de garçons à celles des filles. J’étais un garçon manqué, les jeux des filles ne m’intéressaient pas car c’était beaucoup trop calme pour moi. Mes jeux étaient plutôt masculins : Les billes, la guerre, nous grimpions sur les toits de l’usine de biscuits Poult, nous farfouillions dans les poubelles de la gare SNCF pour trouver des tampons encreurs et trouver d’autres babioles pour inventer des jeux etc… Nous faisions également du vélo et nous amenions avec nous, notre goûter que nous mangions sur la place de Montbeton après avoir fait 5 km. Ce que nous étions fiers d’avoir accomplis ce parcours loin de la maison.
L’école par contre, je n’ai pas du tout accroché, peut-être parce que je n’ai pas fait beaucoup de maternelle. J’avais pourtant une bonne mémoire mais je manquais de confiance en moi et comme j’étais une personne timide devant les adultes, je n’avais qu’une peur c’est que l’on m’interroge. Pourtant,  je connaissais mes leçons sur le bout des doigts mais chaque fois que l’on m’interrogeait, je perdais tous mes moyens. Pour moi, ça a été un sérieux problème et je pense que j’ai dû inquiéter beaucoup mes parents. Pourtant, je n’ai jamais baissé les bras, je voulais arriver à surmonter cet handicap et c’est avec le temps et  avec beaucoup de patience que je suis arrivée à mes fins.

 
 

L’école de Villebourbon était divisée en deux, d’un côté les filles et de l’autre les garçons. Quelques souvenirs me sont restés en mémoire, les stylos-plumes Je me souviens de l’odeur de la craie et de l’encre dans la salle de classe. Les efforts que je faisais pour reproduire les pleins et les déliés de la date inscrite sur le tableau. Quelquefois, j’appuyais trop fort et la plume se cassait et tous mes efforts étaient vains. Une grosse tâche avait fait place au milieu de  la feuille et j’essayais de la faire disparaître avec mon buvard du mieux que je le pouvais. Je remplaçais alors ma plume et ravie d’avoir un morceau de métal tout brillant au bout de mon porte-plume, je jurais que celle-ci durerait plus longtemps. A force de serrer mon porte-plume, j’avais gardé une petite boule au bout du majeur. 
 

 
Heureusement, que le tablier était obligatoire car lui aussi avait droit à une petite touche personnelle.
 

 

 


1962 Villebourbon
 ( je suis en haut à la 4ème place à gauche et  Maryline TAUDIN la 1ere en haut à gauche)

Avec  Maryline TAUDIN ma copine de classe nous jouions souvent à la marelle ou à la corde à sauter pendant la récréation. A 16 heures, on avait droit à du lait chocolaté et comme je ne l’aimais pas, je le donnais à Maryline. C’est la seule personne que je me souvienne. Nous nous sommes revues quelques années plus tard car nous étions toutes les deux inscrites dans une école de rugby. Notre équipe s'appellait les panthères noires. Son père était le président du club et la pauvre avait été obligée de jouer alors qu’elle n’avait aucun goût pour ce sport. Elle était fille unique et regrettait de ne pas avoir eu de frères. Il ne fallait pas louper un match et son père avait aménagé une salle avec des gradins afin que tout le monde puisse voir la télévision.

Je suis restée 5 ans à l’école Villebourbon, j’ai gardé quelques souvenirs des H.L.M. notre voisine de palier était Madame SALITOT. Elle était handicapée, cette personne nous adorait et par le balcon, elle nous jetait souvent des bonbons. Elle était née le 24 avril tout comme moi et pour mes 10 ans, elle avait préparé un gros gâteau au chocolat. Ce jour-là, j’avais été gâté. J’avais eu un dictionnaire, une montre et un appareil photo. Monsieur et Madame SALITOT étaient nos invités et ce repas partager avec eux m’avait fait un énorme plaisir. Souvent, elle nous gardait pendant que mes parents étaient au travail. C’était une personne très croyante et elle voulait que l’on sache par cœur quelques prières. C’est elle qui m’a appris : notre père et je vous salue Marie.
Un hiver, mon père était revenu du travail avec un carton, où se trouvait à l’intérieur, un petit rouge gorge qui était transi de froid. Il l’avait trouvé sous le pont vieux à Montauban. Nous étions heureux que notre père ait pu le sauver et le ramener à la maison. Ce rouge gorge a passé un bon trimestre à la maison. Nous faisions bien attention mon frère, ma sœur et moi à ne pas le laisser échapper. Tous les matins, alors que l’on prenait notre petit déjeuner dans la cuisine, Picouic, c’est le nom qu’on lui avait donné, venait se poser sur notre tête, puis sur notre épaule et enfin sur la table. On était tellement fiers qu’il nous choisisse, que l’on n’osait bouger. Il venait piquer avec son bec du beurre et quelques miettes que l’on avait laissé tomber sur la table. Cet oiseau, s’était très bien adapté à cette nouvelle vie. Nous avions un aquarium où se trouvaient deux poissons rouges. Picouic se mettait sur le bord et plongeait au fond du bocal. Les poissons se mettaient au fond et l’oiseau ressortait de l’autre côté en s’ébouriffant les plumes, puis, il voletait d’un tableau à un autre. Un jour de printemps, ma mère voulu étendre sa lessive sur le balcon et il est parti. Nous ne l’avons plus revu. Ce petit oiseau a beaucoup compté pour nous. Nous étions tristes de l’avoir perdu mais en même temps, nous nous disions qu’il avait retrouvé sa liberté et que c’était mieux ainsi.
Il y avait une autre grand-mère qui était toute seule et qui habitait dans la rue et que nous allions voir. Je l’aimais également, elle faisait beaucoup de crochet avec de jolis motifs et un jour je lui ai demandé de m’apprendre, ça me rappelait tellement la ferme à côté de la nôtre dans le lot où cette grand-mère confectionnait des rideaux. Cela paraissait simple et le premier jour, je suis arrivée à faire ma première chainette. Bien que ce fût le début, j’étais heureuse. Le crochet n’eut pas de secret pour moi, j’appris très vite à faire des demi-brides, des brides, des doubles brides etc...
Dans tout cet immeuble, il n’y avait que quelques rares personnes qui possédait la télévision et pour nous ce fut un honneur que d’avoir été choisi. Nous allions tous les mercredis soirs chez des voisins pour regarder la piste aux étoiles. Les grands étaient sur le canapé, mon frère, ma sœur et moi étions parterre. Bien que le petit écran fût en noir et blanc, nous ne perdions aucunes miettes et surtout comme nous tenions à revenir la semaine suivante, nous ne faisions aucun bruit. Jusqu’au jour, où ce fut notre tour d’avoir une télévision. Tous les jeudis, nous ne rations aucune émission. A cette époque-là, il n’y avait qu’une chaine.
 



 





 

Voici les programmes que l'on pouvait voir :

La piste aux étoiles :

Le petit train rébus :
 
https://www.youtube.com/watch?v=TiObBlwTJrY
 
Bonne nuit les petits :

Histoire sans paroles :

Pour nous, notre père était un héros. Il avait fait la guerre d’Indochine et nous ne nous lassions pas de l’écouter raconter ses exploits à travers la jungle. Ses déplacements étaient très difficiles et il fallait s’arrêter souvent. Le danger était partout, enfin, c’est ce qu’il nous racontait. Un jour, après une longue marche, alors qu’il était fatigué, il s’assit sur un tronc d’arbre en toute quiétude. Celui-ci se mit à bouger. En fait c’était un crocodile qui se reposait sur la berge. A coup de crosse, il réussit à tuer l’animal. Mon père avait l’art de nous raconter des histoires et faisait durer le suspense. Nous étions tellement émerveillés, que nous ouvrions des yeux grands comme des billes et on ne se lassait pas de l’écouter nous conter ses aventures même si on les connaissait par cœur.
Une autre fois, dans la chaleur suffocante, il avait fallu qu’il traverse une rizière et de nouveau la fatigue s’était fait sentir. Il s’était endormi sous un arbre. Ce fut la chaleur, qui le réveilla. Heureusement que son boy, était là et lui avait passé une torche sur le corps. Des fourmis mangeuses d’homme l’auraient certainement dévoré sans son intervention. Ses histoires étaient pour nous, toujours aussi captivantes et on voulait que ça se sache, aussi nous faisons venir des copains à la maison. Nous étions très fiers de lui.


Souvent à la sortie de l'école ou le le jeudi où nous n'avions pas école, avec mon frère Patrick, Aline nous allions au tam tam. C'était une boutique où l'on trouvait de tout : des journaux, des livres, des revues,  des magazines comme Pif gadget, le Journal de Mickey, Lisette Mandrake le magicien, qui étaient nos lectures, il y avait aussi des souvenirs et surtout des bonbons qui faisaient notre bonheur. Avec 1 franc nous achetions une pleine poche de bonbons à un centime, récompense d'une bonne note à l'école ou tendresse de maman. Il fallait à notre épicière une patience d'ange pour nous laisser choisir nos friandises dans tous ces bocaux. Il y avait les chewing-gum emballagés dans un papier sur lesquels était écrit à l'intérieur "gagné" ou "perdu" (Les gagnants nous permettait d'avoir un autre chewing-gum gratuit),  les bonbons à la violette ou au coquelicot, les rouleaux de réglisse avec une bille de couleur au milieu, les sucettes, rondes et plates, qui, lorsqu'on les suçait avait un dessin qui fondait un peu moins vite, les soucoupes couleurs pastel, en hostie avec dedans une poudre acidulée qui faisait faire des grimaces...  les serpents en guimauve avec une bague autour...
 

 






Un jour mon père, au cours du repas, nous a dit que nous allions avoir une maison. Nous étions heureux. C’était fini les H.L.M. Ma mère, ne voyait pas cela d’un bon œil. Elle avait peur que l’on s’endette. Heureusement que mon père ne l’a pas écouté.
Alors que la maison était encore inachevée, nous primes nos vélos et l’un derrière l’autre, Patrick, Aline et moi, mon père à l’arrière, nous montions la côte de Sapiac bien raide et traversions toute la ville. La distance ne nous faisait pas peur puisque nous allions connaître notre nouvelle maison. Elle était construite sur un ancien marécage mais elle n’était pas toute seule, à côté, d’autres maisons étaient en construction. Nous étions dans une citée. Nous n’étions pas très loin de l’aérodrome. Je connaissais déjà cet endroit pour y avoir été avec Monsieur LOUBRADOU et son fils Richard. Il faisait des maquettes d’avions et j’ai eu la chance d’admirer un avion qu’il avait fabriqué et de le voir voler.
Bien que les maisons étaient identiques, la nôtre était la plus belle. Nous nous y installâmes au début de l’été 1966.
Je partageais ma chambre avec ma sœur Aline, Patrick avait la sienne pour lui tout seul et la chambre de mes parents se trouvait côté rue. Les chambres étaient à l’étage ainsi que la salle de bain. Au rez de chaussée, se trouvaient la cuisine, le salon, la salle à manger et les toilettes.
La première nuit, je m’en souviens. La fenêtre était ouverte, c’était l’été et dehors l’on entendait les grenouilles coassaient. Cela nous changeait des roues des locomotives qui se bloquaient et qui glissaient sur les rails et que l’on entendait toutes les nuits.
Cette maison a changé à tous, nos vies. 


Mes parents et leur chien Filou


Aujourd’hui, j’ai une pensée pour mon papa qui vient de nous quitter le 24 décembre 2011.
Je te dédie ce poème qui exprime mieux ce que je ressens. 
 

 






 
Peinture de Vicky Wade artiste américaine

 
 
Lorsque je la tenais
Bien serrée dans la mienne
La grande main de mon père,
J’avais le coeur en paix
Il avait dans la sienne
Mon âme toute entière.
Nous marchions silencieux
Sur la plage déserte
Et les cheveux au vent,
Ces moments délicieux
Que la vie m’a offerte
Sont gravés dans le temps.
Les mouettes faisaient
Entendre autour de nous,
Leurs cris rauques et bruyants,
Tout cela me plaisait
Et tout était si fou,
Attrayant,pétillant.
Cette main de mon père
Est partie avec lui
Loin,vers un autre port,
Pourtant restée sur terre
Lorsque tombe la nuit,
Je la saisis encore.
 
poésie de Flore
 
Nos absents


Ce n’est pas vraiment des fantômes, mais leur absence est tellement forte,
qu'elle crée en nous une présence qui nous rend faible, nous supporte.
C'est ceux qu'on a aimé qui créaient un vide presque tangible, car l'amour qu'on leur donnait est orphelin, il cherche une cible.
Pour certains on le savait, on s'était préparé au pire, mais d'autres ont disparu d'un seul coup, sans prévenir.
On ne leur a pas dit au revoir, ils sont partis sans notre accord, car la mort a ses raisons que notre raison ignore.
Alors on s'est regroupé d'un réconfort utopiste. A plusieurs on est plus fort mais on n'est pas moins triste.
C'est seul qu'on fait son deuil, car on est seul quand on ressent. On apprivoise la douleur et la présence de nos absents. Nos absents sont toujours là, à l'esprit et dans nos souvenirs. Sur ce film de vacances, sur ces photos pleines de sourires.
Nos absents nous entourent et resteront à nos côtés, ils reprennent vie dans nos rêves, comme si de rien n'était.
On se rassure face à la souffrance qui nous serre le cou, en se disant que là où ils sont, ils ont sûrement moins mal que nous.
Alors on marche, on rit, on chante, mais leur ombre demeure, dans un coin de nos cerveaux, dans un coin de notre bonheur.
Nous on a des projets, on dessine nos lendemains. On décide du chemin, on regarde l'avenir entre nos mains. Et au cœur de l'action, dans nos victoires ou nos enfers, on imagine de temps en temps que nos absents nous voient faire.
Chaque vie est un miracle, mais le final est énervant. J'me suis bien renseigné, on en sortira pas vivant. Faut apprendre à l'accepter pour essayer de vieillir heureux, mais chaque année nos absents sont un peu plus nombreux.
Chaque nouvelle disparition transforme nos cœurs en dentelle, mais le temps passe et les douleurs vives deviennent pastelles. Ce temps qui pour une fois est un véritable allié. Chaque heure passée est une pommade, il en faudra des milliers.
Moi les morts, les disparus, je n'en parle pas beaucoup. Alors j'écris sur eux, je titille les sujets tabous. Ce grand mystère qui nous attend, notre ultime point commun à tous. Qui fait qu'on court après la vie, sachant que la mort est à nos trousses.
Ce n’est pas vraiment des fantômes, mais leur absence est tellement forte, qu'elle crée en nous une présence qui nous rend faible, nous supporte. C'est ceux qu'on a aimé qui créait un vide presque infini, qu'inspirent des textes premier degré. Faut dire que la mort manque d'ironie.
Ne serait-ce que pour cette phrase : Chaque heure passée est une pommade, il en faudra des milliers. 
Papa, tu vas nous manquer, mais tu seras toujours présent dans nos cœurs. On t’aime et on ne t’oubliera jamais. Merci pour tout ce que tu as pu faire pour nous. Les bons moments que tu nous as fait connaître. Je t’embrasse et je t’aime très fort. Tonton Johnny. Je te dis à bientôt.


Quelques photos et documents de  CLARAC Jean :






Clarac Jean en 1953
en 1961


Année 1970


Photos de CABANES Denise :

 

1963 mes parents

1962   
16 juillet 1963     

16 juillet 1963


mars 1970

Photos de CLARAC Patrick :



1963
Photos Aline :




1966

1967
1968
photos de Christiane :
 
1962
1964
 Nous trois :


1967

Photos de Patrick :
 

 
 
 Dans la vie, on croise des gens précieux, qu'on voudrait garder toujours auprès de soi, mais qui, pour des raisons qui ne tiennent ni à eux, ni à nous, sont forcés de s'en aller. Ce n'est pas qu'ils nous abandonnent de leur plein gré, ni que nous soyons coupables de n'avoir pas su les retenir, c'est juste que, parfois, il ne peut en être autrement. Il m'est arrivé de chérir profondément des êtres que j'ai perdus, et c'est peut-être pour cela qu'on écrit, pour les retrouver et cheminer, l'espace d'un instant, à leurs côtés. Comme si rien n'avait changé.

Minh Tran Huy

(La Princesse et le Pêcheur)
 
 
 
 















































Patrick tu vas nous manquer.
 

 
 
https://www.artistikrezo.com/cinema/patrick-clarac-je-suis-assez-en-accord-avec-le-dicton-une-image-vaut-mille-mots.html

 
Ne reste pas là à pleurer devant ma tombe
Je n'y suis pas, je n'y dors pas...
Je suis le vent qui souffle dans les arbres
Je suis le scintillement du diamant sur la neige 
 
Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr
Je suis la douce pluie d'automne...
Quand tu t'éveilles dans le calme du matin
Je suis l'envol de ces oiseaux silencieux 
 
Qui tournoient dans le ciel...
Alors ne reste pas là à te lamenter
Devant ma tombe
Je n'y suis pas, je ne suis pas mort ! 
 
Pourquoi serais-je hors de ta vie simplement Parce que je suis hors de ta vue ?
La mort tu sais, ce n'est rien du tout.
Je suis juste passé de l’autre côté. 
 
Je suis moi et tu es toi.
Quelque soit ce que nous étions
L'un pour l'autre avant,
Nous le resterons toujours. 
 
Pour parler de moi, utilise le prénom
Avec lequel tu m'as toujours appelé.
Parle de moi simplement comme tu l'as Toujours fait. 
 
Ne change pas de ton
Ne prends pas un air grave et triste.
Ris comme avant aux blagues
Qu'ensemble nous apprécions tant. 
 
Joue, souris, pense à moi
Vis pour moi et avec moi.
Laisse mon prénom être le chant réconfortant Qu'il a toujours été. 
 
Prononce-le avec simplicité et naturel,
Sans aucune marque de regret.
La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié. Tout est toujours pareil, elle continue, 
 
Le fil n’est pas rompu.
Qu'est-ce que la mort sinon un passage ? Relativise et laisse couler
Toutes les agressions de la vie, 
 
Pense et parle toujours de moi
Autour de toi et tu verras, tout ira bien.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin
Je suis là, juste de l’autre coté.
 
Mary Elizabeth Frye.





Un jour, un jeune homme demanda à son grand-Père :

Grand-Père, comment as-tu pu vivre avant...

- sans technologie

- sans internet

- sans ordinateur

- sans drones

- sans bitcoin

- sans téléphones portables

- sans facebook ?

Grand-Père répondit :

" tout comme ta génération vit aujourd'hui...

- sans humanité

- sans dignité

- sans compassion

- sans honte

- sans honneur

- sans respect

- sans personnalité

- sans caractère

- sans amour

- sans modestie

Nous, aujourd'hui quand vous nous appelez "vieux", nous avons été bénis, notre vie en est la preuve....

A vélo nous n'avons jamais utilisé le casque.

Après l'école, nous avons fait nos devoirs nous-mêmes et nous sommes toujours allés jouer dans les prés jusqu'au coucher du soleil.

Nous avons joué avec de vrais amis, pas avec des amis sur internet.

Si jamais nous avions soif, nous avons bu de l'eau de la fontaine, pas de l'eau en bouteille.

Nous n'avons jamais été malades pour avoir utilisé le même verre que nos amis.

Nous ne sommes pas devenus obèses en mangeant souvent du pain et des pâtes.

Nos pieds n’ont pas souffert à force de marcher pieds nus.

Nous avons créé de nos mains nos jouets et joué avec eux.

Nos parents n'étaient pas riches mais ils nous ont donné beaucoup d'amour.

Nous n'avons jamais eu de téléphones portables, DVD, play station, Xbox, jeux vidéo, ordinateurs personnels, internet... Mais nous avons eu de vrais amis.

Nous avons visité la maison de nos amis sans avoir été invités et nous avons apprécié avec eux du pain et de l'huile à goûter.

Les membres adultes de la famille vivaient à proximité pour profiter du temps.

Nous sommes une génération unique et plus compréhensive, car nous sommes la dernière génération qui a écouté leurs parents... et aussi la première qui a dû écouter ses enfants.

Nous sommes une édition limitée !